Quand on sait faire quelque chose on le fait, quand on ne sait pas on l'écrit.
De diverses façons, pendant 40 ans j'ai essayé de mettre en œuvre l'ÉS en tant qu'alternative, comme je n'y suis pas arrivé, je continue de l'écrire.

Incapable de mettre en place le projet politique de transformation sociale qu'elle porte, on assiste à la céremonie d'enterrement de l'ÉS qui restera le nain politique qu'elle est depuis plus de 150 ans.
Sans évoquer le ministère de plein exercice mis en place lors du précédent quinquennat, complété très vite par un volet consommation pour parer aux dérives mercantiles des problèmes carnés puis disparu après avoir accouché d'une loi sur l'ESS qui n'a strictement rien amélioré en matière de promotion et de développement du secteur, même pas un sous secrétariat d’État dans le second gouvernement de l'ère Macron.
La société civile technocratique est aux manettes, le politique est relégué aux accessoires de l'histoire, sauf pour la gestion des affaires privées, place aux experts, aux ingénieurs et aux chefs d'entreprises.
Vos avez dit intérêt général?
Ne parlons pas de la philosophie, fusse-t-elle économique.
"Coachés" par une minorité de nantis des CSP XXL et soutenus par l'appareil d’État (exécutif, législatif et administratif), les français se convertissent à l'esprit startup sauf le peuple que l'on n'invite pas à cette grande entreprise, pas plus qu'aux inaugurations des grands travaux comme l'histoire nous l'a si souvent démontré, particulièrement pendant le règne de François Mitterrand, le grand monarque républicain.
Le gros mot social a vécu, y compris chez les socialistes ce qui est un comble, et est remplacé par le business et le fric pour tous et partout.
Les groupes géants du net triomphent et Google, Amazon, FaceBook, Alibaba engrangent des profits fantastiques.
Balayé, oublié le principe de l'ÉS qui veut que les entreprises se multiplient plutôt que grossir.
Dans aucun projet politique porté par les candidats je n'ai aperçu l'option de l'ÉS comme alternative, tout au plus un soutien à l'ÉSS option libérale.
Le bébé Rothschild fait des émules et chacun doit pouvoir vivre du commerce, devenir commerçant, patron, propriétaire et riche comme le souhaitaient les 1er de la classe pour la liberté généralisée du commerce de 1789.
Sauf que tout le monde ne veut pas devenir cela et l'ÉS en tant qu'alternative propose un autre rapport aux autres, un autre rapport à l'argent et au pouvoir.
L'héritier parfait de la grande révolution bourgeoise triomphante est arrivé et, en même temps, il enterre l'immense et unique classe moyenne appelée de ses vœux par Pierre Joseph Proudhon.
Le néo libéralisme qui date de 1844 mâtiné de jésuitisme né en 1537 (ça c'est du renouvellement!) triomphe pour 16,55% des français marcheurs.
Bel exemple de renouvellement pour faire de la politique autrement comme le clamaient jadis Les Verts aujourd'hui disparus.
Belle légitimité démocratique au demeurant légale.
Pour, en toute légalité, achever le démantèlement des services publics et de la protection sociale, parachever la privatisation de tous les secteurs de l'économie (y compris la police pour la protection des journalistes), distribuer les deniers publics pour qu'ils accroissent la compétitivité des plus-values d'actions, et installer l'état minimal cher aux libéraux qui n'en finissent pas de stigmatiser les chômeurs qui doivent sans doute pénaliser les banquiers d'affaires dans leur accaparement.
Pour mémoire, voir la création des banques actionnariales type NATIXIS pour le financement, la gestion et les services financiers accolées et/ou issues des banques coopératives.
Du grand classique.

Et que devient l'ÉS dans cette nouvelle/ancienne période qui démarre?
Pourquoi cette désaffection envers cette économie émancipatrice, seule alternative crédible au capitalisme et à ses entreprises?
Comme je l'ai écrit mainte fois dans les billets coups de neurones, cela est dû en grande partie par une non volonté des acteurs du secteur et des élus de se donner les moyens de promotion et de développement de l'ÉS comme des Maisons de l'ÉS pour remplacer les Maisons de l'emploi qui disparaitront bientôt ainsi que le service public Pôle Emploi qui a succédé à une agence nationale préfigurant à l'époque sa disparition programmée.
Tout simplement parce qu'ils ne veulent pas de l'ÉS en tant qu'alternative, ce que j'ai mis pas mal de temps à comprendre jusqu'à ce qu'un projet que j'avais proposé à des élus locaux du Pays d'Arles puis à l'instance régionale PACA soit enterré par un encarté PS qui, depuis, est passé chez les randonneurs avec un réel succès puisqu'il est aujourd'hui ministre et leur délégué général, illustrant parfaitement que c'est le vent qui tourne, pas la girouette.
Parce que l'ÉS est avant tout un projet politique et ceux qui prétendent la développer en ne parlant que d'économie et de social la desservent et la cantonnent dans le rôle de substitut de l'économie libérale.
Ensuite, par l'utilisation dévoyée des structures juridiques de l'ÉS pour monter sa boite ou son organisation, imitant ainsi les grandes entreprises et structures de la "grande économie", faisant fi des valeurs et des principes qui fondent l'ÉS.
Ainsi, j'ai retrouvé quelques années après des gens qui ont créé leur boite en se moquant totalement du projet politique de transformation sociale porté par l'ÉS, bref qui font du business sans se soucier de l'esprit collectif qui doit pourtant primer sur l'individualisme.
Pire, j'ai visionné l'interview du Directeur d'une structure de financement de l'ÉS interrogé par un journaliste des Échos en 2016 qui ne savait vraiment pas de quoi il parlait à propos de l'ÉS.
Affligeant.
Il n'empêche que, comme cet autre que j'ai aidé à créer une structure culturelle dénommée pompeusement par son prétentieux gérant Coopérative culturelle indisciplinaire (signifiant par là que son créateur n'a pas rompu avec les disciplines à fortiori dans l'art qui doit n'en comporter aucune comme je l'ai souvent écrit), ces structures fonctionnent et se réclament haut et fort de l'ÉSS.
Mais dans ce domaine aussi, l'option libérale triomphe et ce qui reste de cette économie à finalité sociale est complètement phagocyté par les obligés du capital soutenus par certains qui œuvrent au sein d'associations masquées depuis la grande révolution et qui ont dévoyé et détourné l'objet du statut associatif loi 1901 à des fins d'affairisme, de manipulation, de copinage et de pouvoir.
On ne verra jamais l'avènement des entreprenants en lieu et place des entrepreneurs, des ingénieux en lieu et place des ingénieurs ni des industrieux en lieu et place des industriels.
Parce qu'enfin, ils n'ont pas gagné le point comme le dit JLM, ils ont gagné la bataille et ils sont en train de gagner la guerre libérale surtout en ne voulant pas rompre avec le MFH en ne mettant pas en œuvre dans les entreprises et les organisations le management 3CA (voir mes billets sur ce thème).
Ce qui fait que dans ces entités, tout fonctionne comme dans les entreprises capitalistes avec des directeurs qu'on appelle patron, des présidents qui ne savent pas que le CA est l'organe politique décisionnel d'une association, des sociétaires qui parlent d'actions au lieu de parts sociales, des petits et des grands chefs qui dominent les uns et les autres, etc, etc.
Bref, à tous les niveaux, un copié/collé du fonctionnement des structures du modèle économique dominant de marché.

Alors que faire face à l’impossibilité de mettre en œuvre l'ÉS?

  • Agiter les mains comme les guignols impuissants de Nuit Debout?
  • Se battre, s'engager et résister comme nous le faisons depuis 50 ans mais sans vraiment rien changer au rouleau compresseur libéral?
  • Attendre un grand soir qui ne viendra jamais?
  • Regarder autre part et laisser faire sans nous donc contre nous les serviteurs zélés du libéralisme?
  • Accompagner, désabusés, nos enfants et petits enfants dans ce monde qui ne nous convient pas mais dont ils sont devenus des Small Brother atteints de psittacisme à l'insu de leur plein gré en arborant la prothèse intrusive du 21e siècle, le redoutable Smartphone qui n'a d'intelligent que son nom de marchandise?
  • Écrire nos mémoires par peur de les perdre ou par crainte d'être incapable de nous projeter?

Trois ans après le terrible assassinat liberticide du 7 janvier 2015 et ceux qui ont suivi, plus ce que nous vivons actuellement au niveau politique, social, économique, écologique et culturel, tant au niveau national qu'international, je n'ai pas de réponse.

Peut-être dans dix mille ans...

* qui va à l'encontre d'une tendance historique, à savoir la victoire du libéralisme économique.